Il y a quelque temps, j'avais un échange sur Twitter avec Victor Lerat.
Nous « discutions » d'un constat qu'il faisait du manque d'originalité qu'il remarquait sur de nombreux sites e-commerce. D'une certaine uniformité que l'on peut constater en passant d'un site marchand à un autre. Je lui répondais que je pense que c'est avant tout l'usage du mobile qui avait profondément impacté la créativité et que ceci était lié aux attentes des utilisateurs.
Non, ce n'est pas la faute de Google
Le premier réflexe d'un référenceur quand on lui parle de mobile est généralement de penser aux impacts SEO de la compatibilité recherchée. Et il faut bien dire que Google nous a harcelés fin 2014 et début 2015. La compatibilité mobile allait tout changer en terme de positionnement. Dans les faits, il faut relativiser cet impact.
Mais n'oublions pas que Googe n'a fait que communiquer sur un constat. De plus en plus d'utilisateurs utilisent leurs smartphones ou des tablettes, ce n'est pas Google qui les pousse à le faire. Il y a aujourd'hui plus de recherches effectuées à partir de mobiles que d'ordinateurs.
Pourquoi le mobile impacte-t-il le design des sites web ?
Parce qu'on ne peut pas afficher la même chose sur un téléphone et un ordi.
- La taille de l'écran génère des contraintes : Volume à afficher, taille de l'affichage, réduction de la taille des images (un texte sur une image ou une ombre sur une icône ne se verra pas sur un téléphone).
- Le mode de navigation change : on n’interagit pas de la même manière avec les doigts et une souris, toutes les notions de roll over (changement au passage du curseur de souris) ne sont plus applicables. Le mobile oblige à mettre plus d'espaces pour cliquer (gros doigts) alors que l'écran est plus petit.
Le responsive design, un choix impactant
Plutôt que de faire développer une application coûteuse et pas toujours efficace, ou un site mobile dédié, de nombreux e-commerçants se reportent vers le responsive web design qui offre quelques avantages : Un seul site à gérer et donc moins de ressources à dégager. Une forte simplification pour le SEO.
Mais ce choix influence fortement toutes les « versions » du site. La version desktop sera donc souvent « allégée » ou simplifiée. Est-ce un mal ?
Revenons à l'utilisateur
Que cherche un utilisateur sur une boutique en ligne ?
- À s'y retrouver facilement : il compare, il vient de visiter 3 autres sites et n'a pas de temps à perdre avec votre mode de navigation original ou à chercher où se trouve le panier.
À aller vite : s'il consulte plusieurs pages produits, il n'a pas envie d'attendre des pages trop longues à afficher. - À être rassuré : les éléments de réassurance doivent être lisibles facilement, les pages de CGV, de mentions légales, l'adresse du commerçant, doivent être visibles et accessibles rapidement.
- Des prix ou des services : il est en effet très aisé de comparer 5 boutiques en 5 minutes sur le net, bien plus vite donc que dans les magasins traditionnels.
- Des photos représentatives : quand il veut acheter un produit, les photos de celui-ci ont une importance capitale pour qu'il se fasse une idée.
- Des descriptions précises : d'accord, tout le monde ne lit pas, mais dans de nombreux cas une description qui aide à prendre la décision va aider le visiteur.
A-t-on parlé de l'originalité du site ? A-t-on parlé de la beauté de la charte graphique, la créativité de l'auteur a-t-elle été mentionnée ? Faites le test, vous verrez que vos visiteurs s'en fichent éperdument.
Être efficace ou original ?
Trouvez-vous Amazon original ? Les plus gros sites e-commerce font-ils preuve de créativité ? Pas vraiment. En revanche, tous ces sites tentent de capitaliser sur les habitudes des utilisateurs, sur ce qui se fait un peu partout et qui va faciliter la compréhension rapide de leurs offres.
En e-commerce, on tente de limiter tous les blocages, d'éviter tout ce qui pourrait perdre le visiteur, lui faire se poser des questions inutiles. Dans ce cas, la simplicité graphique est de mise, la créativité est laissée au second plan si elle n'a pas une influence directe sur l'acte d'achat.
Pour conclure
Les sites e-commerce ont-ils tendance à se ressembler ? Sans doute. Amusez-vous juste à afficher plusieurs boutiques en ligne sans afficher les photos et vous verrez que l'on a l'impression qu'il n'existe que 3 ou 4 modèles standards.
À quelques exceptions près (Cdiscount par exemple) personne ne fait preuve d'une grande créativité.
Le manque d'originalité est-il gênant pour le visiteur ? Visiblement pas quand on se penche sur ses attentes. Va-t-il commander plus sur un site original ? Rien n'est moins sur.
L'évolution technologique influence-t-elle la créativité ? Sans aucun doute et dans le sens de la standardisation. Et vu que les utilisateurs sont de fervents adeptes de cette évolution, les possibilités deviennent limitées.
Au passage, la discussion est partie de ce site que nous venions de réaliser : www.boutique-hd35.fr Moi je trouve qu'il a une bonne tête sur desktop ainsi que sur smartphone. Mais je suis partial forcément 🙂
Je partage complétement ce constat. De même sur des sites vitrines pour clients, je persiste à penser qu'il vaut mieux être fonctionnel qu'original
Tout ça pour caser un lien en fin d'article ?
@ Fabien
Blaireau va.
Tu ne crois pas que je m'y serais pris autrement si j'avais voulu envoyer des watts vers ce site ?
Je trouve que le site que tu donnes en exemple sort plutôt du lot mais je suis d'accord sur le fond de l'article. Comme Florian je pense qu'il faut d'abord être fonctionnel. Dans cette optique la compatibilité mobile ne pousse pas à l'originalité.
Je pense au site http://www.01net.com qui a tenté une navigation d'un nouveau genre qui est très désagréable sur tablette.
Ce qui est vraiment paradoxal, c'est que le client d'une agence web veut un site qui lui plait et qui est original. Et que le client de ce client veut un site simplement efficace.
Bien que dans de nombreux cas cela ne soit pas antinomique, il y a des sacrifices que nos bonnes âmes appellent des compromis, qui sont inévitables.
Pour ma part, j'ai considérablement réduit l'utilisation de JavaScript notamment mais de tous les langages clients en général (bibliothèques qui restent très lourdes, qui bogguent souvent, et qui sont difficiles à maintenir lorsque trop de scripts sont utilisés à cause des conflits qu'ils génèrent).
OVH est notamment la société, qui avec son Manager V6 (très joli), m'a donné le plus bel exemple de code client foireux, d'autant plus que la V3 du manager (très moche) en langage serveur fonctionnait à merveille...
@ François
J'ai fait exactement le même constat sur 01net !
@ Valentin
Tellement vrai le paradoxe que tu évoques.
Pas facile de convaincre nos clients que leurs sites doivent être pensés pour les leurs (de clients) et pas pour eux.
En fait, au départ, tout le monde est d'accord la dessus, et puis au fil des premières maquettes, certains truc partent en sucette ( logo plus gros, mise en avant d'un truc dont tous les visiteurs se foutent et dont il ne faudrait même pas parler, mais qui flatte l'égo de la boite, etc.).
Parfois au final on a de très bons compromis, mais parfois tout est fait à l'envers.
J'ai bien aimé un exemple présenté par Lionel Miraton dernièrement, le menu d'un site avec : Notre entreprise, Nos produits, Contactez-nous, soit "moi moi moi". Je ne pense pas vraiment que ce soit le discours qui convaincra le mieux...
Quelque part, je me dit que les contraintes du mobile obligent finalement à se concentrer sur le discours en arrêtant les pouet pouet qui flattent l'égo, et ce n'est finalement pas plus mal. ça permet de se concentrer sur les clients du site.
C'est vrai que ça a tendance à s'unifier du côté des gros players mais ça me fatigue un peu qu'on mette ça sur le dos du responsive. Le flat a sa part de responsabilité sans oublier les clients qui ne veulent qu'une chose : copier leurs voisins et ne pas chercher justement à prendre des risques (bon sur du très gros site ça peut se comprendre). Du coup tout s'uniformise, pour capitaliser sur les habitudes des utilisateurs déjà acquises grâce aux autres sites e-commerce.
Cependant il y a quand même pas mal d'exceptions quand on va voir du côté de boutiques plus petites (ou moins vieille au sens où c'est leur premier site), qui osent encore pour se démarquer justement. Dans cette galerie tu as quand même pas mal de sites qui tentent une approche différente par exemple. Après je n'ai hélas (comme souvent) pas forcément d'exemples français.
On peut à mon avis garder les habitudes utilisateur et la simplicité tout en proposant un petit plus, une touche d'originalité qui fera un petit effet sympa pour l'utilisateur et le fera revenir (ou parler de la marque). Si on prend l'archiduchesse par exemple sur Android la couleur de la barre système est la même que celle du produit. Une petite ligne de code, et hop, une expérience un peu sympa et qui sort de l'ordinaire sans que ça soit compliqué et intrusif.
A mon avis le mobile est un super terrain de jeu et d'expérimentation pour les ergo, les designer et même les devs. Il y a justement PLEINS de choses à ré-inventer, feuille blanche, on peut se faire plaisir et faire plaisir aux utilisateurs. Hélas trop souvent les clients, les décideurs aussi ont peur d'aller jouer sur ce terrain, ne veulent pas prendre de risques (bon ça se comprend c'est leur gagne pain) et préfèrent demander à leur designer de copier (oui littéralement "je veux la même pagination qu'une grosse marque de vente de chaussures"). Bref, ne mettons pas tout sur le dos du responsive, le pauvre :p
Complètement d'accord avec toi, mais pour moi c'est un problème qui a toujours existé, je pense que cela est dû notamment à ces 2 points :
- des CMS qui t'imposent presque des emplacements et des utilisations de fonctionnalités, pour les "petits" ecommercants qui n'ont pas des moyens énormes le choix peut être vite fait
- le benchmark en prenant trop souvent les concurrents comme des références en voulant faire comme eux
@ Stéphanie
OK, tu n'as pas tort, il n'y a pas que le responsive. Le copiage du voisin joue sans doute aussi beaucoup. Reste que c'est aussi un moyen de capitaliser sur les habitudes des utilisateurs. Le chat se mord la queue.
Sur le principe, je suis d'accord avec toi, on peut garder la simplicité en ajoutant des petits plus (c'est d'ailleurs ce que l'on a tenté de faire dans le site que je donne en exemple), mais il y a toujours un moment ou on se trouve un peu coincé dans la taille de l'écran, ça limite un peu.
Sinon, merci pour la galerie d'exemple, il y a effectivement de quoi aller chercher de belles idées !
@ Fred
Tu as raison, le CMS peut bloquer un peu, sauf s'il y a un peu de budget et là on peut quand même sortir du lot. En revanche, le benchmark de concurrent n'amène pas à l'originalité en effet.
Absolument d'accord.
J'ajoute à cela que mobile mise à part le web s'uniformisent (je pense notamment au flat & material design), on voit beaucoup de site sortir avec grosso modo la gueule d'Air BnB.
Sinon le Webdesign n'est pas la recherche de la créativité ou de l'originalité (bien qu'on puisse s'y essayer).
Beaucoup de gens confondent graphiste et designer ce qui est radicalement différent et c'est pas le designer qui recherche l'originalité.
Je dirais que la question originalité VS performance est valable pour tous les sites, e-commerce ou non. C'est effectivement plus "difficile" pour un site e-commerce, étant donné les fonctionnalités nécessaires. Pour le site e-commerce donné en référence, le Méga-menu est une volonté du client ? C'est vraiment un des points en 2015 sur lesquels nous avons le plus de mal à faire passer nos recos SEO... Mega-menu or not Mega-menu ?
@ Antoine
Pour le mega menu, c'est un choix mutuel, agence(nous)/et client.
Je reviendrai un jour dans un article spécifique sur les recos que je fais (mega menu ou pas) en fonction du compromis référencement / UX.
@Sylvain, merci pour ta réponse.
Dans ce cas précis, supposant que les expressions-clés ciblées sont très orientées "H****y D******n", le choix du Mega-Menu a du sens, selon moi. On a hâte que ton futur article sur les recos SEO vs UX vienne enrichir de grand débat d'actualité ! Bonnes fêtes de fin d'année.
@ Antoine
Tu as tout compris 🙂
On veut ranker sur "nimportequoi H*****y D******N", dans ce cas le méga menu passe très bien.
Il y a des cas ou la sémantique des catégories n'a rien à voir, et dans ce cas mieux vaut éviter le mega menu.